Drôles de rencontres en chemin

Lundi 25 septembre

Vers 8 heures, tous les pèlerins sortent de leur gîte  / chambre d'hôte / hôtel... et reprennent le chemin, lestés d'un petit déjeuner copieux.

Nous commençons par monter vers le petit hameau de Rochegude (= la roche aigüe  / rocca aguda) surmonté d'une tour et d'une toute petite chapelle ancrée sur le rocher, avec un vitrail lumineux.

Les vaches se rangent sagement sur notre passage.

Nous descendons ensuite vers la vallée de l'Allier, que je vais traverser pour la dernière fois, et pour la première  fois sur un pont Eiffel!

Nous gravissons ensuite l'autre versant de la vallée 

Petite pause au niveau de la chapelle Sainte Madeleine où un octogénaire attend les randonneurs pour un brin de causette, un tampon sur la credential ou une vente de coquillage. Lui-même a parcouru de nombreuses fois le chemin. 

Plus haut sur le chemin, une brouette présente à  la dégustation... et à la vente un pain de fruits élaboré localement. Le produit est délicieux, nous nous laissons tenter.

La Margeride offre des paysages d'une rude beauté,  les cultures ont quasiment disparu, ne restent que prairies et bois.

Nous arrivons à Saugues, où nous ne visitons pas le musée de la bête du Gévaudan, sous une bonne pluie.


Vieilles pierres

Mardi 26 septembre

Une journée un peu grise, en accord avec la teinte du granite. 

Nous cheminons sur un plateau légèrement ondulé, retrouvons ici et là nos compagnons de chemin depuis 2 jours, traversons des hameaux très peu habités, admirons de nombreuses vaches... et déplorons  la multiplication des lignes électriques sur certains secteurs. 

L'étape, assez courte, se termine dans un gîte isolé, à plus de 1200 mètres d'altitude,  bien nommé Le Sauvage : bâtiments magnifiquement austères,  avec des volumes intérieurs impressionnants... et des équipements de gîte appréciés des randonneurs : machine à laver et sèche-linge.


Sur ce chemin, et pas ailleurs!

Mercredi 27 septembre

Avec le lever du soleil, un ciel dégagé et quelques écharpes de brume, la beauté du site du Sauvage est encore magnifiée. 

De beaux et larges chemins nous mènent, à travers forêts et  prairies, vers la Lozère. Nous remarquons en les traversant que les petites routes de montagne ont bénéficié d'un impressionnant lifting : le Tour de France est passé par là. 

La "décoration" des très nombreuses croix illustre bien le double caractère de cet itinéraire : les randonneurs ajoutent leur caillou au cairn déjà constitué tandis que les "pèlerins" accrochent des chapelets...

Catherine quitte le chemin en ayant, comme moi, découvert depuis 4 jours un univers insoupçonné. 

 


Après le changement de département, changement de bassin versant : je traverse en effet la Truyère, sous-affluent de la Garonne.

Le chemin reprend ensuite de l'altitude ; les troupeaux, ovins et bovins, occupent les prairies, les résineux prédominent mais quelques feuillus ajoutent de belles touches de couleur.

 



Étape au sommet

Jeudi 28 septembre

Le paysage est de plus en plus ouvert, on voit loin, on imagine bien le cheminement... et l'on observe les autres randonneurs qui sont loin devant!

Je n'avais pas vu de mammifère sauvage depuis une semaine,  un chevreuil me fait la surprise de détaler d'un bosquet, puis de traverser la route que je longeais et de disparaître en quelques enjambées. 
Plus loin, dans ce paysage dédié à l'élevage, le chemin serpente entre les murets et les barbelés des pâturages.
Les mûres se raréfient encore et sont moins goûteuses, quelques myrtilles oubliées comblent mon envie de glanage!

À partir de Nasbinals, le GR65 emprunte un vieux chemin magnifique, d'abord protégé par une voûte  de hêtres, puis en plein vent à l'approche des prairies d'estive et des burons, les chalets qu'utilisaient les bergers l'été et qui sont maintenant pour la plupart abandonnés. 

Le déboisement des prairies d'altitude a été  réalisé au Moyen Age, d'abord pour y accueillir des troupeaux ovins, aujourd'hui majoritairement bovins.
En approchant de la crête,  dont le franchissement marqué le passage en Aveyron, je croise un véritable chevelu de ruisselets.
Le village d'Aubac, 10 habitants aujourd'hui, 1307 m d'altitude, garde les traces d'un important hospice, créé au XIIème siècle ; on y sonnait la cloche des perdus, à la fois pour les pèlerins égarés dans la brume et pour les âmes perdues.

 

Je dors dans le gîte communal, situé  dans la Tour des Anglais, ainsi nommée en référence à la Guerre de 100 ans : toilettes et douches au rez-de-chaussée, un dortoir au 1er étage,  un autre dortoir au 2ème étage... et la cuisine au 3ème étage, tout ce le desservi par un escalier à  vis.

Pour fêter mes 4 semaines de chemin, je m'offre un aligot saucisse au seul restaurant ouvert du village, où j'échange avec un couple d'Australiens passionnés du chemin.




 


Un chemin dangereux et sale?

Vendredi 29 septembre

Cela fait un moment (bientôt un mois) que je voulais parler de la propreté des chemins ; j'étais en effet agréablement surprise par l'absence de papiers et autres détritus, je me demandais si je devais attribuer ce fait à la rareté des randonneurs ou à  une prise de conscience écocitoyenne.

Depuis Le Puy-en-Velay, j'ai la réponse, et elle est franchement décevante : en effet, alors que le GR65 est très bien équipé (WC publics bien entretenus dans les villages, toilettes sèches à de nombreux autres endroits), le long du chemin est parsemé de papier toilette, à croire que nos "ami-e-s randonneurs / pèlerins" ne s'éloignent même pas du chemin pour faire leurs besoins! Comportement totalement scandaleux... et incompréhensible car il ne nous a semblé rencontrer que des personnes "finies".

Je vous épargne les preuves photographiques.

 

La bobologie maintenant! Pour rejoindre Le Puy-en-Velay , Catherine a utilisé le  Compostel'bus, une navette quotidienne entre Le Puy-en-Velay et Conques, destinée spécifiquement  aux marcheurs. Les autres passagers étaient tous des éclopés du chemin, obligés d'interrompre le trajet prévu suite à une chute, une entorse... Le chauffeur a confirmé que le chemin faisait de nombreuses "victimes", citant la descente sur Monistrol-sur-Allier comme particulièrement accidentogène!

 

J'ai donc fait très attention aujourd'hui, en dévalant plus de 1000 m de dénivelé, d'Aubrac à la vallée du Lot, à ne pas gonfler les statistiques...et les déficits! 

 

Le changement de paysage, et de végétation,  était radical. Plus de plateau, mais de nombreuses vallées profondément encaissées ; résineux et hêtres remplacés par les chataigniers ; des prairies plus vertes...

Le bourg de Saint-Chély d'Aubac occupe le versant ensoleillé de la vallée,  et son pont des pèlerins, tres ancien et bien conservé,  est justement classé. 

Sur quelques km, le chemin de Compostelle se confond avec l'antique voie romaine Lyon - Bordeaux ; un nom de hameau l'atteste étymologiquement : L'Estrade dérive de La Strada (la route).

La descente se poursuit, entre chataigniers et pâturages,  jusqu'au superbe village de Saint-Côme d'Olt, avec sa double enceinte fortifiée, son château  du XIVème siècle  et son église au clocher tors.


Trėsors romans, entre pluie et brume

Samedi 30 septembre

Aujourd'hui, on descend le cours du Lot (Olt en occitan). Sur ce secteur, le Lot traverse une plaine fertile, dont les meilleures terres servent à produire des semences de maïs. 

L'itinéraire s'ėloigne de la rivière,  la retrouve à Espalion (magnifique pont), s'en éloigne à nouveau pour s'en rapprocher avant Estaing. Le chemin offre donc une grande variété géologique (basalte, grès rouge, calcaire) et de beaux points de vue sur la plaine du Lot, sans parler du patrimoine bâti admiré en chemin : église de Perse en arrivant à Espalion, datant du XIème siècle, et surtout église Saint-Pierre de Bessuėjouls, avec sa chapelle Saint-Michel nichée au 1er étage du clocher, et encore le hameau de Verrières,  avec son château et sa chapelle privée. Évidemment, le village d'Estaing mérite également une longue déambulation : ponts, venelles et petits passages voûtés, église et château perchés. 

Sur le chemin, souvent empierré, quelquefois rocheux, une croix apparaît : gravure ou géofact?

En grimpant sur des sentiers transformés en ruisseaux, on atteint un premier causse : le chataignier disparaît car il ne pousse que sur des sols siliceux... On le retrouvera à la descente. 

Le chemin devait être encore plus beau il y a quelques années, avant la mort des buis qui le bordaient ; ici aussi, la pyrale du buis a fait des ravages.

 


Plein les yeux... et le ventre!

Dimanche 1er Octobre

L'itinéraire franchit à nouveau le Lot, offrant un dernier regard sur Estaing, puis le suit ; la rivière s'étale entre des coteaux bien pentus. Plus de plaine fertile, mais des terrasses oubliées, qui témoignent de l'activité agricole passée : cultures de vigne, d'arbres fruitiers, de chataigniers.

Le chemin s'éloigne ensuite du Lot pour gagner un plateau, enfin un plateau version Rouergue, absolument pas plat, mais plutôt ondulé,  sillonné de petits cours d'eau. De nouvelles roches apparaissent : le schiste, que l'on retrouve sur les toits, et le granite, avec de belles boules formant quelques chaos. La bruyère et la callune font egalement leur apparition... Le chemin ondule lui aussi, entre prairies et bois, offrant de fréquentés  échappées vers la vallée  du Lot, profondément encaissée.

L'habitat est extrêmement dispersé, et les villages désertés... Je ne verrai par exemple aucune boulangerie de la journée, juste quelques bars-épiceries.  

Bonne nouvelle alimentaire : c'est reparti, à fond, pour le glanage. Des pommes, des poires et des noix à profusion ; les pommes et les poires sont bien mûres et délicieuses,  et les noix, toutes fraîches, bien pleines et saines. Depuis mon départ,  je n'ai acheté des fruits qu'une fois, 2 bananes que je n'ai même pas payées car l'épinière me les a offertes, jugeant qu'elles n'étaient plus vendables, car commençant à s'ouvrir.

 

 Après une semaine sur ce chemin fréquenté, je reste étonnée par la diversité des pratiques ; j'ai vu ce matin une 1ėre tente, une fille seule avec son chien : lourdement chargée,  autonome, elle ne peut faire des étapes de plus de 15 km. Pour ceux qui dorment en gîte d'étape, en chambre d'hôte ou en hôtel, le choix d'hébergement est si vaste que chacun-e peut choisir une distance journalière qui lui convient. Si on rajoute encore la possibilité de faire transporter ses bagages, on comprend que ce chemin peut rassembler des populations extrêmement différentes, que ce soit en âge, engagement physique, moyens financiers... Chacun-e peut donc trouver sa place sur le chemin.

 

En approchant de Conques, je suis surprise par l'ensauvagement des pentes ; les pèlerins de jadis ne reconnaitraient pas les cultures en terrasse, les chataigneraies soignées.  Fougères, genêts, bouleaux referment le paysage, et Conques, village accroché dans les gorges de la Dourdou, ne se découvre qu'au dernier moment... et là, on ouvre grands les yeux : comment, dans cette pente, a-t-on pu construire un tel ensemble abbatial? 

Je parcours les rues en pente de ce village, avant de découvrir l'abbatiale, avec son tympan et ses 250 chapiteaux romans ; je suis impressionnée par la hauteur intérieure de l'édifice et sa clarté, les verrières de Soulages y contribuent-elles? 

 

Aujourd'hui, c'est dimanche et j'ai enchaîné 2 étapes dans la journées : 2 bonnes raisons de s'offrir un bon repas... Le menu "Le pèlerin" se révélera excellent, et sans aucun doute bien différent de la soupe de châtaignes que devaient recevoir les pèlerins arrivant à Conques. Flan au roquefort sur salade aux noix, faux-filet de boeuf d'Aubac avec son aligot et moelleux au chocolat...

Et le meilleur de la soirée reste à venir ; en sortant du restaurant, j'entends un office chanté depuis la rue... Je m'y précipite, mais la messe se termine. Néanmoins, l'éclairage nocturne renforce encore la beauté  des chapiteaux et l'harmonie de la pierre et des verrières. A la sortie de l'abbatiale, un demi-cercle s'est formé face à l'édifice... et à un frère prémontré de haute taille, en soutane blanche, qui entame une véritable conférence gesticulée pour expliquer le tympan. Il alterne références à la Bible, mime des différents personnages, commentaires... en un one-man-show époustouflant, lumineux, débordant d'amour du Christ.


Pèlerins dans la brume... et une église à découvrir

Lundi 2 octobre

Départ de Conques au point du jour (7H30) ; comme j'étais seule dans le gîte communal, j'ai pu me lever tôt et préparer mon petit-déj (thé et muesli enrichi de cubes de pommes) dans la foulée. 

Bruine, brume et faible lumière rendent Conques fantomatique. La rue pavée descend presque jusqu'à la rivière,  que franchit un pont romain. Le sentier monte ensuite abruptement ; heureusement, la chapelle Sainte Foy permet de faire une pause. Je m' y offre un plaisir régressif : faire sonner la cloche! Avec la brume, j'aperçois à peine Conques.

La bruine a cessé mais la brume persiste ; bien que le chemin reste en hauteur, les vues resteront très limitées et les panoramas annoncés virtuels!

Decazeville s'annonce par une forte descente. La ville est sinistrée,  le GR65 l'évite... mais un panneau annonce que l'église renferme un chemin de croix de Gustave Moreau. Je fais donc le détour. Je suis accueillie à l'église par une dame très bavarde qui assure l'accueil pèlerin : elle me propose du gâteau,  des boissons, des confitures... Je réussis néanmoins à aller admirer le chemin de croix, non signé et attribué tardivement à Gustave Moreau. Le Christ est représenté avec une tunique dans les tons roses ; les oeuvres sont symbolistes, mais discrètement dirais-je!

 


Grains de pluie et hiéroglyphes

Mardi 3 octobre

Ce matin, l'humidité est encore là... et le linge lavé la veille est loin d'être sec!

Départ sur un bon tempo afin d'arriver assez tôt à Figeac où je me réjouis de découvrir le musée Champollion.

Peu après le départ,  une croix dite des 3 évêques marque une limite : 3 provinces avant la Révolution (Auvergne, Quercy et Rouergue), 3 départements (Aveyron, Cantal et Lot) et 2 régions (Auvergne et Midi-Pyrénées). Me voici donc dans le Lot.

La météo était optimiste mais quelques averses obligent à sortir l'anorak et à protéger le sac.

Pour la 1ėre fois, j'observe une chataigneraie entretenue, cela fait plaisir!

Plus loin, le soleil revenu, je fais une petite pause à Saint- Félix,  dont la modeste église possède un superbe tympan roman représentant Adam et Eve. 

On atteint Figeac par un joli vieux chemin, descendant en pente douce vers la vallée  du Célé.

Je trouve vite un gîte, y pratique mes 2 rituels prioritaires (la douche et la lessive quoditienne) et file au musée Champollion. En chemin, je constate que Figeac est aussi une ville qui mérite une visite : palais, maisons consulaires, nombreuses maisons à pans de bois... Ce qui m'a le plus frappée,  c'est la hauteur importante de ces maisons de ville, avec 2 constantes, de grandes ouvertures sociales en rez-de-chaussée (pour les boutiques?) et des greniers à  claire-voie (séchage ?). 

Le musée occupé une vieille maison du centre-ville. Que sais-je de Champollion avant d'y entrer? Rien, si ce n'est que c'est un persoonnage mythique, qui a réussi à déchiffrer l'écriture hiéroglyphique. Le musée présente clairement le parcours biographique et familial de Champollion, très lié à son frère aîné qu'il rejoindra à Grenoble pour ses années de lycée. Latin, grec, hébreu, chaldéen, syriaque n'ont déjà plus guère de secrets pour lui ; il se passionne pour l'Égypte, suivant les publications de la mission scientifique accompagnant Napoléon. Son frère aîné a postulé sans succès pour y participer, mais il va aider Fourier à exploiter et éditer le matériel recueilli. C'est ainsi que Champollion rencontre un moine copte ayant participé à l'expédition d'Égypte, qui lui explique les relations entre copte et écriture hiéroglyphique. Il décide aussitôt d'apprendre le copte, et doit pour cela partir à  Paris. En 1806, à 16 ans, il écrit à ses parents : "Je veux faire de cette antique nation une étude approfondie et continuelle. L’enthousiasme où la description de leurs monuments énormes m’a porté, l’admiration dont m’ont rempli leur puissance et leurs connaissances, vont s’accroître par les nouvelles notions que j’acquerrai. De tous les peuples que j’aime le mieux, je vous avouerai qu’aucun ne balance les Égyptiens dans mon cœur. »

Après des années d'études de documents (particulièrement la Pierre de Rosette), de recherches,  d'hypothèses, il parvient en 1822 à publier une clé de déchiffrement ; et, de 1828 à 1830, il réalise son rêve : diriger une mission scientifique en Égypte. 

Le musée ne se limite pas à l'enfant de Figeac, il présente la diversité des écritures,  leur histoire, leurs relations avec les pouvoirs, divin et politique... sans oublier les aspects esthétiques!

 


De bastide en borie

Mercredi 4 octobre

Départ vers 8h00 pour une étape d'une trentaine de km. Ciel bleu, la journée s'annonce très belle. Petite montée pour atteindre la crête entre vallées du Lot et du Célé. La vue porte loin... Un premier village, construit sur un éperon au-dessus du Lot ; magnifiques bastides, ruelles et escaliers... et une vue imprenable. Les cultures étaient hors les murs du village, sur des terrasses qui accueillaient jardins, vergers, vigne...

On monte encore un peu pour atteindre le plateau de Béduer, ondulé lui aussi, et surtout à caractère calcaire  : plus de chataigniers ni de bruyère ni de callune. Des murs d'épierrement , des chênes  enclosent des parcelles cultivées ou pâturées. Sur ce secteur également, de nombreuses surfaces se referment, la forêt gagne... Quelques belles constructions en pierres sèches parsèment le paysaģe. 

Le département du Lot compte 600 mégalithes, un dolmen se trouve sur le chemin de Saint Jacques, montrant la permanence des chemins en certains lieux.

Peu après, le GR65 redescend  abruptement vers la vallée  du Lot... et vous devinerez sans peine le nom de ma ville-étape du jour si je vous cite 3 noms qu'on associe à cette petite bourgade : Georges Pompidou, Françoise Sagan et Coluche.

 

J'y ajouterai une spécialité locale dénichée à la boulangerie : le pastis, pâte feuilletée très fine montée en spirale, pomme finement taillée et un soupçon d'eau-de-vie. Délicieux!

 

Durant la descente, un incident... et l'occasion de parler d'un sujet récurrent depuis mon départ  : les chiens. Je trouvais pénible que mon passage suscite un tel raffut ; il me semblait que, depuis Le Puy-en-Velay, les chiens aboyaient moins, lassés sans doute de devoir aboyer sans cesse, du moins en haute saison pèlerine. Tout à l'heure, près d'une ferme, un chien aboie. Je n'y fais pas attention, il s'approche en grognant, passe derrière moi et m'attrape le mollet. J'ai crié de surprise et de douleur, mais heureusement, il m'avait "pincé" plutôt que mordu.


Causse toujours

Jeudi 5 octobre

Cajarc est un bourg autrefois prospère commercialement ; on peine à imaginer aujourd'hui l'importance du commerce fluvial. Le Lot, comme l'Allier et la Loire étaient  des voies commerciales essentielles et Cajarc possédait un port auprès duquel s'était développé un faubourg actif.

Je quitte Cajarc en suivant le Lot, puis le traverse avant de grimper sur le chausse de Limogne, que je ne quitterai plus de la journée. 

Aujourd'hui, les sentiers et les chemins sont particulièrement beaux et agréables : bordés de murets, de haies, ombragės... On y retrouve même avec plaisir quelques buis vigoureux. Les pèlerins d'autrefois dev6aient, comme nous aujourd'hui, apprécier ces chemins protecteurs.

Le fait de circuler en hauteur, ici sur le causse plutôt qu'en longeant le cours d'eau, permet aussi d'échapper aux brumes, qui ne se sont dissipées dans les vallées qu'après 11 heures!

Sur le causse, les murets de pierre sèche deviennent quelquefois massifs, laissant deviner la masse de travail réalisé pour rendre les terres cultivables. En observant mieux, je comprends que ce qui m'apparaît comme un tas de cailloux au coin d'une parcelle cache en fait un abri, moins joli qu'une borie, mais bien utile! En allant y voir encore de plus près,  je constate que certains abris recèlent des puits. L'eau est en effet une denrée rare et précieuse sur ces terres calcaires et, près de chaque village où hameau, je remarquerai le soin apporté au puits ou à la source, au lavoir et au bassin de stockage de l'eau. C'est d'ailleurs près de ce point d'eau que les habitants de Sant Jean de Laur ont  aménagé une pause pèlerine très colorée. Le héron  cendré qui profitait du bassin s'est envolé à mon approche.

L'activité agricole perdure sur le causse, essentiellement tournée vers l'élevage ovin, meme si j'ai vu aujourd'hui quelques cochons et des vaches.

Mes activités de glanage sont au point mort depuis quelques jours, et j'ai épuisé mes stocks de noix et de pommes...



Du causse à Cahors

Vendredi 6 octobre

 Le causse de Limogne a connu pendant quelques dizaines d'années une activité  d'extraction, liée à la présence de phosphatières. Ces mines à ciel ouvert étaient des cavités creusées par l'eau dans le calcaire, puis comblées par des argiles riches en phosphates. Dans les années 1870, une véritable fièvre s'empare du Quercy, mais très vite, les gisements s'épuisent et, en 1887, plus de la moitié des sites ont fermé  (112 sur 161). Le phosphate est utilisé comme engrais en agriculture.

LE GR65 continue à traverser le causse jusqu'à buter sur l'autoroute A20 ; ces traversées de grosses routes sont toujours pénibles, en raison du bruit généré bien sûr,  mais aussi pour les tournicotis imposés par cette coupure dans le paysage. Ensuite, on reste sur le plateau... et on plonge sur Cahors, côté ville ancienne.

Je dis au revoir à Monika, une Allemande que je côtoyais depuis l'Aubrac, et qui finit à Cahors son tronçon 2017.

Je traîne ensuite dans les rues étroites de la vieille ville, visite la cathédrale : les volumes sont importants avec les coupoles, mais l'ensemble, bien que richement décoré, ne me paraît pas esthétiquement équilibré. Les jardins de la cathédrale,  jardin des simples, jardin des bouquets, ont été recréés dans de beaux plessis.

 


Un pont, c'est tout!

Samedi 7 octobre

4° pour démarrer ce matin sur les rives du Lot. Le froid ne décourage pas les pêcheurs qui ont déjà installé leurs lignes.

Je quitte Cahors, et le Lot, par le pont Valentré, pont fortifié du XIVème siècle. Le sentier s'élève aussitôt , gravissant la falaise par des marches.

La suite de la matinée sera un peu gâchée par le bruit des véhicules car le GR suit assez longtemps des routes fréquentées et je vis très bien depuis plus d'un mois à l'écart des voitures.

On retrouve finalement, sous un ciel tout bleu, un autre plateau, différent du précédent : peu de murets, de grandes parcelles cultivées... Le relief est également différent ; de profondes dépressions, des combes entaillent le plateau. Les arbres, chênes surtout et pins, sont moins présents. Une de ces dépressions abrite Montcuq, avec son donjon et son village autrefois fortifié. 

C'est d'ailleurs très curieux de construire un château dans une dépression, la tour dépasse à peine le niveau du plateau.

 


Dimanche 8 octobre

Montagnes russes dans le Quercy blanc

 Jour de marché à Montcuq ce dimanche matin. Un vrai grand marché, qui donnerait presque envie de disposer d'un coffre plutôt que d'un sac à dos! Pourtant je ne regretterai pas de ne pas avoir chargé la mule tant le GR, aujourd'hui, va grimper et descendre sec, certes sur de petits dénivelés, mais souvent!

Le soleil éclaire à peine le donjon et le clocher quand j'attaque la 1ėre montée. La lune, à peine descendante, est encore haute dans le ciel, et me servira de boussole (direction ouest) une bonne partie de la matinée.

Très beaux chemins aujourd'hui, très souvent bordés d'arbres ; très peu de bitume. Le travail des bénévoles est bien visible : trous rebouchės, rigoles creusées pour évacuer l'eau...

Le chemin reste à peine plat quelques centaines de mètres avant de redescendre vers Rouillac, petit village construit sur le versant autour de son église, qui possède quelques fresques. La descente continue...mais on remonte bien vite vers Montlauzun, village perché sur un petit piton. Les cultures paraissent plus riches et variées : maïs, tournesol, vigne, melons, lavande, vergers... Je remarque de nombreuses retenues d'eau dans les dépressions,  au milieu des champs, sans doute des stockages d'eau pour l'irrigation. On passe quelques bosses bien marquées avant d'atteindre Lauzerte, cité médiévale perchée sur u9ne colline, que le comte de Toulouse reçut en don à la fin du XIIème siècle afin d'y bâtir  un castelnau, une cité protégée par un château. Ce fut un plaisir de découvrir  cette cité, avec une tr0ès belle place (occupée aujourd'hui par des voitures de collection) et des maisons anciennes joliment rénovées. 

Nouvelles descente et montée, au terme de laquelle on change de département ; le Tarn-et-Garonne accueille les marcheurs avec un panneau très bien dessiné. Avant une nouvelle descente, un pigeonnier qui vaut le coup d'oeil, comme d'ailleurs la chapelle Saint-Sernin, perdue dans une combe et récemment restaurée. J'y sonnerai la cloche, comme à Conques, avec le même plaisir régressif!

Toujours rien à glaner...mais au sortir d'un bois, une table propose du raisin et des melons. C'est pour moi l'heure du marché et d'une pause savoureuse. 

  

 


Du goudron, mais pas de plumes

Lundi 9 octobre

Matinée majoritairement sur du bitume pour aller à Moissac, avec en plus la vision de l'étalement rurbain. Depuis Cahors, je constate que des "faubourgs" se créent près des villages, le long des routes.

Quelques pommes glanées me remettent de bonne humeur. J'arrive à Moissac par les hauts quand le carillon sonne midi. Je serai donc privée de cloître car il est fermé  de 12 à 14 heures... Dommage!

En ce lundi, le centre ville de Moissac n'est pas franchement animé... et ne me retient pas.

Je ne sais si c'est l'approche du Tarn et de la Garonne, mais la brique se remarque dans le bâti. Tout cela sent sa Gascogne...

Le GR ne franchit pas le Tarn par le joli pont à parement de briques, il emprunte le chemin de halage du canal des 2 mers, ici canal latéral de la Garonne. Le chemin est ombragé par d'importants platanes, et bitumé, peut-être parce qu'il accueille aussi une véloroute. Le chemin quitte le plat pendant quelques km pour gravir le coteau et surplomber le7 confluent Tarn-Garonne ; la vue sur la centrale nucléaire de Golfech est également imprenable. Depuis 2 jours, j'apercevais les panaches de vapeur... et constatais qu'ils se rapprochaient.

Avant de redescendre retrouver le chemin de halage, l'itinéraire longe une église isolée. Les promeneurs locaux que je croise l'indiquent que le père de Vincent Delerm est enterré dans le cimetière attenant.

Pas de trafic sur le canal, ni marchandises ni touristes. Je ne verrai donc aucun mouvement d'écluse.

  

 



Garonne franchie

Mardi 10 octobre

La journée commence dans une brume épaisse... qui ne se dissipera complètement qu'après midi.

Le chemin quitte le canal du Midi, franchit le canal de Golfech, puis la Garonne. À Auvillar, le port a laissé des traces dans le nom des rues et a déposé une ancre sur la place du village, où se trouve une halle circulaire particulièrement esthétique. Je quitte le village en dégustant une meringue géante, la boulangère ne m'ayant proposé aucune spécialité locale. 

En regardant mieux les maisons, je remarque la diversité des matériaux employés ; la brique est souvent associée à de la pierre taillée, mais aussi à des galets. 

Dans la brume, difficile de se rendre bien compte du paysage, mais les courbes sont douces, les champs kilométriques, plus souvent juxtaposés que séparés par des haies ou des arbres. Tournesol et maïs prédominent. 

Je vais quitter le Tarn-et-Garonne. Si son visuel pèlerin est une réussite, ce département pêche sur la sécurité des piétons au bord des routes.

Que me réserve le Gers? Des plantations, si j'en crois le panneau d'accueil.

Le 1er village gersois traversé est Saint Antoine, l'entrée de son unique rue est encore protégée par une porte, c'est son église peinte offre des fresques difficiles à  interpréter car superposées au cours du temps. Le village suivant, perché, possède encore son château mais l'église, ruinée, commence à peine à être rénovée.

L'itinéraire se poursuit en bord de route, mais séparé de la chaussée par des plantations, ce qui est rassurant pour le marcheur car, sur ces routes peu fréquentées, les véhicules roulent vite! Après Miradoux, encore un village perché d'où la vue porte loin, le GR file dans les champs, passe au pied d'un château oublié et atteint le village de Castet-Arrouy. Le gîte communal est installé dans l'ancienne école, qui revit ainsi un peu.

 


Parlez-vous roumieu ?

Mercredi 11 octobre

 Le Gers prend  réellement soin des marcheurs lorsque l'itinéraire emprunte des routes. Très peu de goudron aujourd'hui, juste au démarrage et pour entrer à Lectoure et  en sortir ; sur tous ces tronçons, le département a aménagé un côté de la route pour y créer une allée arborée. Depuis Moissac, j'avais l'impression de ne pas fouler le chemin des anciens pèlerins, l'itinéraire ayant dû être modifié en raison de l'urbanisation, des travaux routiers, ferroviaires... À Moissac, par exemple, la voie ferrée a coupé l'ensemble abbatiale en deux!

Aujourd'hui, je retrouve avec plaisir de vieux chemins, souvent ombragės,  longeant des champs, des fossés, des ruisseaux. Plusieurs signes, et panneaux informatifs, le confirment. Ainsi, le sentier longe un ancien petit hôpital de campagne, devenu ferme.

Lectoure est encore une ville perchée, avec château (disparu) et cathédrale... organisée le long de la rue les reliant.

Les 2 boulangeries me donnent l'occasion de tester une croisade aux pommes, puis une aux pruneaux.

Le beau sentier continue jusqu'à Marsolan, où je découvre que j'arpente la Lomagne. 

Plus que quelques km, en longeant de grandes plantations de pruniers (Agen n'est pas loin), pour arriver à La Romieu, un petit village doté d'une grande collégiale. Son nom signé son origine : LARROUMIEU signifie en gascon "pèlerin revenu de Rome". 2 moines y fondèrent un prieuré à leur retour de Rome en 1062, mais c'est Arnaud d'eaux, un proche du pape, qui fit édifier  au XIVème siècle l'abbatiale, le cloître et un palais. L'église possède 2 tours. La tour carrée abrite un escalier à double vis (antérieur donc à celui de Chambord). La tour octogonale est occupée par une sacristie richement peinte, puis au 1er étage par la salle capitulaire, puis au 2ème étage par la salle des archives ; en continuant à grimper, on atteint le toit-terrasse de l'église (on voit les clés de voûte!) et enfin un belvédère.

   

 


Retour de l'écureuil... et autres bestioles

Jeudi 12 octobre

L'hébergeur m'a expliqué que la communauté de communes avait acheté une bande de terrain pour sécuriser le parcours des marcheurs.

Ce matin, je peux donc partir tranquillement au petit jour, pour parcourir quelques centaines de mètres le long de la départementale avant que le GR ne s'éloigne de la circulation.

Un 1er village, ou plutôt le peu qu'il en reste, renvoie à la 2ème guerre mondiale, et plus particulièrement à la lutte commune de groupes de résistants d'origines diverses : Français, Espagnols et MOI (main d'oeuvre immigrée). En cette période où, politiquement, l'"accueil" des étrangers fait l'objet d'un rejet inhumain, ce petit rappel historique fait du bien! 

Le chemin continue agréablement entre champs et bois jusqu'à Condom, où l'on entre par un chemin de terre!

La cathédrale présente une belle élévation,  avec des clés de voûte décorées. 

On franchit la Baïse, munie d' un port de plaisance, et on la suit, sur un chemin de terre, avant de retrouver les ondulations gersoises.

C'est là que réapparaît l'écureuil,  émergeant de vignes pour filer dans une haie. Les autres bestioles, ce sont les papillons, nombreux depuis quelques jours, les oiseaux, qui apprécient particulièrement les haies, les lézards, qui filent quand le sol vibre.

   

 


À l'ouest... du méridien 0

Vendredi 13 octobre

Petit déjeuner partagé avec un pèlerin déjà vu en partant du Puy-en-Velay, sur ce chemin pour la 4ème fois, et un jeune homme qui avance lentement car, avec un budget serré, il privilégie les hébergements où il peut "payer" en travaillant (ménage, jardinage...).

Pour la nuit et le petit déjeuner, on dépense en moyenne 20 € ; pour la demi-pension, 35 €. Certains gîtes, et de nombreux accueils pèlerins familiaux, fonctionnent en "donativo" : on donne ce que l'on peut/veut. J'ai expérimenté une fois... mais je préfère que l'hébergeur annonce son tarif.

Les hébergeurs, comme ici, sont souvent d'anciens pèlerins, également investis dans le balisage et l'entretien du chemin.

 

Je démarre tranquillement, avec une légère brume. Le marché s'installe sur la place de Montréal,  tandis que le chemin file entre champs, vignes, prairies et bois. Le raisin est essentiellement destiné à la distillation, mais le Tariquet est un vin produit dans la région... et il en existe sans doute d'autres.

Le relief est très doux en Bas-Armagnac... Les villages continuent à occuper les éminences. Lamothe, comme son nom l'indique, est une ancienne motte castrale, dont il ne reste que le donjon. Pour rejoindre Éauze, le GR emprunte une ancienne voie ferrée ; celle-ci suivait-elle l'antique voie pèlerine? La cathédrale d'Ėauze interpelle par la constitution de ses murs qui apparaît  hétéroclite, avec un mélange de briques et de moellons étonnant pour un tel édifice.

Je poursuis au milieu des vignes, sous une forte chaleur... et je passe le méridien de Greenwich avant d'atteindre Nogaro.

 

   

 


Terre de pop corn!

Samedi 14 octobre

 Le chemin du jour est dépourvu d'intérêt et d'agrément... mais le chemin pourvoit à presque tout, et donc a mis d'autres pèlerins sur l'itinéraire. J'ai donc bavardé plus que d'habitude, et surtout avec un homme qui venait en sens inverse : il était parti de Bourges sur la voie de Vèzelay et revenait de Compostelle par la voie du Puy-en-Velay. Il était rayonnant. J'ai aussi discuté avec un jeune comptable au chômage, un Canadien marchant lentement... et 2 femmes "Marie-Chantal"...

La dernière partie de la journée était totalement rectiligne, en plein soleil, au milieu des champs de maïs qui ont remplacé la vigne.

Le chemin quitte le département du Gers, il est donc temps de faire le bilan, contrasté, de ce département. En fait, en raison de l'alternance politique en 2013, les aménagements commencés au nord-est du département, remarquables, ont été stoppés net.

Une autre remarque, pas propre à ce département, est la désaffection  de nombreuses voies ferrées. Au XIXème siècle, une volonté politique forte avait permis d'irriguer l'ensemble du territoire. Aujourd'hui on parle de désert français et c'est une réalité que je constate quotidiennement depuis mon départ : plus de train ni d'école ni de poste... Et la volonté politique actuelle de métropolisation renforce encore cette désertification : c'est le tour des hôpitaux, des maternités... Pendant qu'on multiplie les projets de métro en région parisienne, les provinciaux sont de plus en plus dépendants de la voiture.

En arrivant à Aire-sur-l'Adour, petit tour à la cathédrale où se tient le dernier accueil pèlerin de la saison. Les dames m'expliquent que le chemin etait autrefois bordé d'arbres... mais que ceux-ci gênaient avec la mécanisation agricole.

L'hôtesse, ce soir, est bavarde... et parle de son expérience de chemin et d'arrivée à Saint-Jacques de Compostelle... La joie d'arriver mêlée à la tristesse de voir le chemin se terminer.

Je ne sais pas si j'atteindrai Compostelle ; pour l'instant, le chemin m'importe plus que le but.

 

 

   

 


On guette les Pyrénées...

Dimanche 15 octobre

Ce matin, au petit-déjeuner, Ashley, jeune femme canadienne installée en France depuis une dizaine d'années et travaillant en cuisine dans la brigade d'un grand hôtel parisien, demande comment on fait pour trouver le chemin! C'est son 1er jour sur le chemin (elle est arrivée la veille en train puis en bus) et elle n'a pas d'expérience de randonnée. Comme je suis prête la première, je serai son initiatrice. Le chemin est très bien indiqué... mais encore faut-il savoir que les GR (sentiers de grande randonnée) sont balisés en rouge et blanc. En quelques km, elle est autonome... Je la laisse car, pour son 1er jour, il n'est pas envisageable qu'elle fasse les 34 km de l'étape complète. 

Jusqu'à Miramont, le GR emprunte surtout des routes, au milieu de champs de maïs, dont certains n'ont pas encore été récoltés. 

C'est jour de chasse... ça se voit et ça s'entend! 

À Miramont, une table d'orientation présente la chaîne des Pyrénées, mais même en scrutant, impossible de les distinguer.

Après ce village, changement de paysage : la plaine laisse place à des vallons où l'élevage bovin prédomine. On passe par la petite église romane de Sensacq, avec sa charpente en coque de bateau renversé... et sa cloche, que je fais sonner!

Le village de Pimbo n'est plus loin et, de là, on distingue déjà,  sur la crête  suivante, le but de l'étape, un village au nom aussi imprononçable que celui des villages alsaciens : Arzacq-Arraziguet.

 

 

   

 


... On voit les Pyrénées...

Lundi 16 octobre

Belle surprise matinale : on voit les Pyrénées se profiler à l'horizon.

La journée de marche commence avec une manifestation spontanée de sollicitude ; j'ai choisi de sortir de la ville sans rechercher les marques et de rejoindre le chemin un peu plus loin. Alors que je photographie un lavoir rond (forme idéale pour le bavardage), une jeune femme qui passe en vélo me crie "1ėre route à droite!". Les riverains sont très attentifs aux pèlerins et nombreuses sont les réalisations,  associatives ou individuelles, destinées à leur faciliter la vie. Aujourd'hui, par exemple, j'ai observé des plantations d'arbres fruitiers de variétés anciennes par une association d'amis du chemin, de multiples bancs à l'ombre, très appréciés... et un hamac : je n'ai pas résisté à y prendre une pause prolongée.

D'autres riverains mettent en scène ce que déposent les pèlerins.  

Le bitume est encore très présent aujourd'hui, mais l'itinéraire suit aussi de vieux chemins bordés de chênes centenaires et empierrés de galets qu'on retrouve comme matériau de construction. 

Le paysage évolue encore : des vallées très larges, qui accueillent le maïs irrigué, des coteaux occupés par des prairies et des cultures et des villages implantés surtout sur les crêtes. C'est la première fois depuis l'Aubrac que j'ouvre (et referme bien sûr) des barrières de parcs à vaches!

Quelques jolies constructions en chemin : petite fontaine,  église à Larreule et chapelle à  l'entrée  d'Arthez-en-Béarn). A Larreule, comme l'indique la toponymie (Le nom dérive de "la regula", autrement dit la règle, en l'occurrence bénédictine), le village s'est constitué autour d'une abbaye disparue ; ne reste que l'abbatiale, devenue l'église paroissiale. La chapelle Caubin, romane, faisait quant à  elle partie d' un établissement des Chevaliers de Malte qui comprenait également un hôpital ; elle renferme la sépulture d'un seigneur du lieu.

   

 


De gave en gave

Mardi 17 octobre

Départ dans une brume épaisse qui ne se lèvera qu'après 11 heures. Ce n'est pas très grave car, entre installations gazières de Lacq (mais existent-elles encore?) et champs de maïs, le paysage ne semble pas extraordinaire. Juste un regret de ne pas avoir bien vu le gave de Pau quand je l'ai franchi.

Sur le coteau, on entend les sonnailles des animaux : vaches, chevaux et ânes. Les prairies sont entourées d'arbres, surtout des chênes, mais aussi quelques chataigniers. Après le passage d'un ruisseau apparaît une jolie église avec un toit cônique. Elle appartenait à une abbaye aujourd'hui démantelée. A l'intérieur, plan en trèfle avec une coupole centrale et trois abside circulaires.

Le chemin reprend ensuite de l'altitude (relative!) et on retrouve les vaches laissant sur fond de montagnes...

La descente suivante, à travers bois exploités, amène dans la vallée du gave d'Oloron, où se situe Navarrenx, l'ancienne capitale du royaume de Navarre. Cette bourgade est ceinturée de fortifications typiquement Vauban, avec les pointes triangulaires... sauf que leur construction est antérieure d'un siècle, et que le concepteur en était un Italien!

Hier, j'avais dû squatter un banc devant le Crédit Agricole pour profiter du wifi mis à disposition ; aujourd'hui, comme le gîte ne dispose pas non plus de wifi, je squatte devant l'office du tourisme!

À 18 heures, je rejoins une dizaine de pèlerins devant l'église. Le père  Ludovic, un jeune prêtre en jean noir et coquille Saint-Jacques en sautoir (à la place de l'habituel crucifix), nous invite à entrer et à nous approcher d'une statue de Saint-Jacques. Nous chantons sous sa conduite le chant des pèlerins (que je ne connais évidemment pas) puis il lit un passage d'évangile qu'il commente en revenant sur la vie de Saint Jacques, pêcheur devenu apôtre.


De Béarn en Euskadi

Mercredi 18 octobre

Rėorganisation de sac ce matin : l'anorak et la pèlerine qui étaient enfouis tout au fond du sac, remontent en surface car la météo annonce de bonnes averses.

Pour démarrer, il ne pleut pas et les piétons ont l'honneur de sortir de la ville par l'ancienne porte des remparts donnant sur le gave d'Oloron qui est franchi dans la foulée et le chemin arrive très vite en forêt, où quelques coups de feu retentissent. Ils viennent de palombières, cabanes souvent perchées d'où les chasseurs traquent les passages de palombes. C'est aujourd'hui la Saint Luc, l'ouverture de cette chasse traditionnelle dans les Pyrénées. J'ai d'ailleurs l'impression que le GR fait des détours  pour éviter des zones de chasse privées. 

Le chemin retrouve ensuite des coteaux peu marqués, et des prairies. Les animaux d'élevage (viande essentiellement) doivent être heureux dans cette région où ils vivent dehors une très grande partie de l'année. 

Une large vallée s'ouvre ensuite : c'est celle du gave de Mauléon. Le long d'un talus, je trouve du raisin, quelques grappes de muscat ont échappé à la voracité des oiseaux... J'en profite donc.

La pluie me rattrape alors, quelques km avant le but de cette très courte étape (20 km) et l'entrée dans le vert pays basque.

Les frontons de pelote n'ont pas attendu cette "frontière" pour faire leur apparition!


Trois chemins mènent à Harambelz

Jeudi 19 octobre

Même pour un Basque, ce n'est pas un temps à sortir en espadrilles. Il pleut...

Espérant une amélioration, je ne mets dans un 1er temps que l'anorak, mais au bout de quelques km, je dois me résoudre à mettre le pantalon et la cape de pluie.

Le chemin monte et descend, longe des fermes, des troupeaux bovins et ovins (c'est ici le début des agnelages, il y a de tout jeunes agneaux dans les prés, tětant leur maman) . Je me demande où sont les cochons, car je n'en ai vu aucun... et pourtant, pour fabriquer le jambon de Bayonne, il en faut!

Le paysage vallonné est si harmonieux que j'en oublie la pluie, qui finit par s'arrêter. 

Au cimetière du village de Larribar, je repère une 1ėre stèle  discoïdale. Après avoir franchi la Bidouze par un joli pont, le sentier s'élève par un sentier empierré, puis directement tracé sur la roche, du schiste en l'occurrence.. On passe par la stèle de Gibraltar où se rejoignent les chemins de Tours, de Vèzelay et du Puy-en-Velay. Le chemin grimpe encore, toujours sur du schiste, tandis que la vue se dégage sur les collines basques, jusqu'à atteindre une petite chapelle. Le chemin redescend ensuite jusqu'au 1er hameau habité depuis la convergence des 3 chemins. Là,  une chapelle accueille les pèlerins sous un porche. Un panneau indique que cette chapelle peut se visiter les mardis et jeudis après-midi. Ça tombe bien, nous sommes jeudi et l'étape est presque terminée.

En attendant 14 heures, je découvre d'autres stèles discoïdales dans le cimetière attenant et je lis le panneau informatif. Cette chapelle a été construite par les familles du hameau. Un petit hôpital (moins d'une dizaine de lits) pouvait accueillir les pèlerins ; il a aujourd'hui disparu, mais on peut le voir sur une eau-forte d'Odilon Redon (XIXème siècle).

La 1ėre particularité de cette chapelle, anecdotique, c'est qu'à la révolution, après avoir été confisquée comme bien national, elle a été rachetée par les 4 familles du hameau, qui la possèdent toujours en indivision.

La 2nde particularité,  qui lui vaut d'être classée,  c'est sa décoration intérieure,  qu'on ne peut découvrir  qu'avec les passionnés qui assurent des visites guidées.  La chapelle est dédiée à  Saint Nicolas et retable et peintures, qui datent de 1736, affirment un style baroque, en réaction à la sobriété du culte réformé. Les peintures ont été restaurées et c'est un vrai petit bijou que l'on découvre quand la porte s'ouvre.

C'est aussi une marque du caractère extraordinaire de ce chemin qui crée un patrimoine dans des endroits perdus.

Je reste un bon moment dans cette chapelle unique, avant de rejoindre mon gîte.  Ce soir, demi-pension au programme : soupe de légumes avec croutons et piment d'Espelette, omelette, plat basque de viande de veau avec pommes de terre et poivrons, fromage de brebis avec confiture de cerises noires et gâteau basque... sans oublier le vin. Nous sommes 5 à table : un couple de Brésiliens (pour la 14ème fois sur les chemins de Compostelle!!), un Allemand, un Français et moi.


Clap de fin pour la Via Podiensis

Vendredi 20 octobre

Bien que 8 heures soient passées, le jour peine à s'installer.

Je vois donc la lumière forcir au cours du 1er km, sur un vieux chemin parallèle à la route (passante, et donc bruyante) qui mène à Saint-Jean-Pied-de-Port.

Comme la veille, j'admire les paysages basques et essaie de réfléchir à ce qui fait leur attrait. Je crois d'abord que ce sont des paysages à taille humaine, qui n'oppriment pas, et permettent en meme temps de voir loin. Ensuite, l'homme est présent partout, il a façonné les paysages, déboisant, mais pas partout ; les fermes peuvent être isolées, ou groupées en hameau ; des villages, comme Ostabat où j'étais hier, permettent des échanges plus larges avec des marchés, des artisans... L'habitat, aujourd'hui encore, garde une unité avec des façades généralement blanches, et des volets aux couleurs basques, majoritairement rouges, mais aussi verts ou marron. L'activité agricole semble avoir su rester raisonnable, en taille comme en pratiques. La déprise agricole existe, mais moins que dans d'autres régions. 

Hier, j'avais déjà remarqué que, sur les pierres de fondation des maisons, figuraient le nom de l'homme ET de la femme, laissant penser que la femme basque compte socialement...

Sur ces pierres, comme sur les stèles discoïdales ou les portes, on retrouve la croix basque, avec ses 4 virgules formées de demi-cercles.

 

Un petit col à passer, et, quelques km plus loin, sentiment d'irréalité en arrivant à la porte Saint Jacques de le citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port : 51 jours de marché, de la veille de la rentrée au début des vacances de Toussaint, pour sujivre un fil tantôt ténu tantôt solide et dėcouvrir l'univers particulier des chemins de Saint Jacques.

 

Saint-Jean-Pied-de-Port est très touristique... et j'y aperçois de nombreux candidats au départ pour le Camino Frances, ce qui renforce ma décision de suivre le chemin du Nord, réputé plus sauvage.

Rendez-vous, si vous le souhaitez bien sûr, sur un nouveau blog, https://caminodelnorte2017.jimdo.com/

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